Ça marche ou pas, mais ça marche !
Un jour ordinaire, 6 juillet 2018.
Aujourd'hui, allant de Grande Synthe à Gravelines, la marche solidaire des migrants quittait l'auberge de monsieur Pétrole Total pour rejoindre celle de monsieur Nucléon EDF (Enfant De Fainéant né de Monsieur PTT (petit travailleur tranquille) et Madame RATP (reste à tricoter peinarde )). Aux deux bouts, les étendards de la réussite de la puissance technicienne, l'énergie pas fatigante ! Ce n'est pas rien comme étape, mais ça passe inaperçu, sauf quand il s'agit de bloquer un bus de migrants en partance pour Londres !
Et aujourd'hui, un petit million d'enfants a pu avoir son bac après des années d'enfermement et d'acharnement imposés, et même si ce n'est pas une délivrance celle-ci peut s'apparenter à une naissance pour ceux qui sauront manier leurs connaissances, ces outils de la liberté à l'image des nénés nourriciers d'une maman qui délivre de la faim. Ce n'est pas rien, mais ça passe inaperçu tellement ces choses sont si banales et communes.
Mais aujourd'hui, onze fait chiée de figurants de luxe qui aura retenu toute l'attention des regards, c'est sidérant des hommes qui tapent du pied dans un cuir rempli d'air et de vent ! Pas besoin des mains pour cet ersatz de néné, on tire au pied parce que vraiment, il n'y a rien à tirer d'un cuir mort et tout le monde le sait. Mais alors que se passe-t-il donc vraiment aujourd'hui ?
Avant ce jour
Il y a deux siècles ont marchait modestement et en nombre de toutes les provinces vers Paris pour abattre la tyrannie et renverser l'histoire.
Et voilà un siècle ont encensait Pasteur, Hugo et d'autres besogneux qui croyaient à la bonté de l'humanité.
Mais c'est avec emphase et très emblématiquement, que l'époque contemporaine embaume vivant les cadavres qu'elle laissera à la postérité de l'histoire.
La condition de la marche
C'est la condition humaine que de fouler le sol, la morphologie de l'animal lui permet de traverser tous les reliefs, tous les climats et toutes les végétations, même au pied de la falaise il n'est pas bloqué. L'homme est au sol ce que les oiseaux sont à l'air et aux vents. L'homme est un marcheur... A tous les sens du terme.
Il sait fouler le sol et grimper la falaise.
Il sait marcher dans les méandres de ses neurones pour imaginer son chemin.
Mais alors comment marche-t-il si souvent tiré par le bout du nez dans une histoire qui n'est pas la sienne, dans une histoire qui le sacrifie jusqu'à le laisser sombrer dans les abysses ?
Un autre chemin et sans brouillard ?
Il n'est jamais trop tard pour renverser l'histoire, elle s'écrit sur le sol en le foulant. Et quand des hommes viennent nous parler de ce qui se passe à l'autre bout du tuyau de la consommation, il nous serait bon d'écouter ce qu'ils ont à dire. Ecouter tout simplement, ça n'engage ni à dire oui ni à dire non, juste entendre. Au moins ainsi l'Homme adressera sa parole non à des dieux ou à des oiseaux quand ce n'est pas à des poissons, mais à lui-même et peut-être connaîtra-t-il mieux ce chemin de l'Homme qui ne saurait se résumer à l'histoire de quelques cadavres à l'odeur de déodorant à la fraise. Qui pourra désormais entendre tous ceux que la Grande Bleue dévore, qui sont-ils, que disent-ils là où ils sont ?
Nous, les derniers survivants, nous avons le droit, et même le devoir, de vous demander que le "plus jamais ça" de nos camarades devienne réalité, déclarait Simone Veil. Dévorée elle aussi ? Pour être mieux embaumée de fragrances de vieux meubles cirés ?
L'assassinat sans nom.
Et ne crois pas lecteur que j'ai fait là une réclame pour le marcheur à la tête de l'Elysée. Non, lui et ses comparses choisissent les cadavres à embaumer pour la postérité, ils sont eux-mêmes des cadavres embaumés vivants ! Les autres, la myriade d'inconnus qui n'ira pas au bout de son aller simple si chèrement payé, ceux-là auront au mieux une épitaphe sur téléphone portable perdu dans les abysses et aussi une maman qui pleure seule face à une écrasante vanité qui n'est pas la sienne.
Aujourd'hui est un présent qui se dissout dans demain. Demain serait un autre présent si nous savions prendre soin de ce cadeau qu'est le présent. Quel sera donc notre présent du 6 juillet 2018 ? Trop tard mon canard, l'histoire s'écrit dans la fuite monotone et sans hâte du temps. En ce jour d'été, l'humanité se fait silencieuse ombre lunaire !
Peyrat Pascal, juillet 2018
Unieux - Terre (lune un peu aussi, en tout cas sous les étoiles)
A Malika, poétesse marcheuse des rues de Paris
A Charb, poète accidenté du travail
A Mimi Raton, funambule sans fil
A tous les sacrifiés poètes en marche sur terre
A Maurice et Patapon !