TECHNOlogos Travail, numérique au temps de la covid

Esclaves ou athlètes de la vitesse ?

De Marie Pezé    

Docteur en psychologie, ancien expert judiciaire, responsable du réseau des consultations souffrance et travail.

 

Une frénésie s’est emparée de notre époque. Jusqu’à présent, les outils fabriqués par le travail de l’Homme ont toujours visé le prolongement de nos capacités musculaires, sensorielles, cognitives : voir mieux que nos yeux ne le peuvent, entendre davantage que nos oreilles, jeter plus loin que la force de nos bras, inventer des machines à calcul plus rapide que notre cerveau… pour faciliter nos vies.

Mais avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), nous avons trouvé nos maîtres. « Il faut 350 millisecondes pour cligner des yeux, soit le temps nécessaire à un algorithme pour opérer sept mille transactions. Le cerveau humain est battu »[1]. Nos outils nous ont kidnappés en retour et nous imposent leurs exploits : plus vite, toujours plus vite, en tout cas plus vite que le corps humain peut supporter et, surtout sans délai, tout de suite, quand ce n’est pas pour avant-hier.

La fascination que ces outils exercent, leur emprise sur nos vies privées et professionnelles est sans égal. Ah, ces restaurants aux clients rivés sur leur Smartphone, ces enfants scotchés à leurs jeux vidéos et assis au milieu de jeux manuels désaffectés, ces salariés branchés jour et nuit à l’intranet de leur entreprise ! Nous voilà tous hyper connectés dans tous les secteurs de notre vie, la frontière entre notre vie privée et notre vie professionnelle devenue totalement poreuse, si ce n’est même invisible. Reflets des excès de l’époque, « Le burn out », dit Pascal Chabot, « est une maladie de civilisation. Nous épuisons la terre, nous épuisons l’humain dans une course folle vers l’abime. »[2].

Une frénésie s’est emparée aussi du monde du travail. Pour satisfaire une insatiable productivité, nous vivons une vie d’athlètes/esclaves de la vitesse et de la quantité, sans répit, sans repos. Voici la rançon de la nouvelle économie de marché. La propagation du syndrome d’épuisement professionnel et la surutilisation de la notion de burn out ne doivent donc rien au hasard. Nous vivons clairement au-dessus de nos moyens individuels physiques et psychologiques.

Celui qui s’en sort dans les organisations actuelles du travail n’est pas, comme autrefois, le plus fort, ni le plus intelligent, mais le plus rapide. L’augmentation de la cadence des tâches à accomplir est présente partout, dans tous les secteurs professionnels, à des niveaux d’intensification qui pulvérisent les seuils neurophysiologiques et biomécaniques.

Les effets de l’hyperactivité sur la santé sont connus : épuisement physique et psychique, troubles du sommeil, de l’éveil, de l’attention, de la concentration, de la mémoire. Troubles cardio-vasculaires, mort subite au travail, accidents, conduite addictive, suicides…

Pour le clinicien du travail, la question de l’hyperactivité est importante :

- Soit la surcharge de travail et l’hyperactivité aliénante qui en découle sont d’origine organisationnelle. Les méthodes managériales utilisées orchestrent l’assujettissement des corps et des psychismes pour une productivité sans cesse accrue ;

- Soit le sujet se shoote au travail comme d’autres à la drogue, pour calmer son vide intérieur ou son angoisse, et s’impose ses rythmes, ses exigences, ses objectifs, sans parvenir à diminuer une charge de travail qu’il juge pourtant excessive.

Quel Corps engageons-nous au Travail ?

Si l’on peut si logiquement invoquer la personnalité de celui qui est en souffrance au travail pour exonérer les conditions de travail, c’est que nous engageons beaucoup de nous-mêmes dans notre métier. Si le salarié s’investit trop au travail, on pourra donc émettre l’hypothèse qu’il a un besoin éperdu de reconnaissance non obtenue dans l’enfance, qu’il s’est surinvesti. Le lien difficile de certains salariés à l’autorité peut toujours être travaillé sous l’angle de la relation à la figure paternelle. On parle même de dépendance affective au travail !

Si un clinicien digne de ce nom sait que le type de décompensation dépend toujours de la structure psychique du sujet, il n’en demeure pas moins évident que cette décompensation est une rencontre entre une organisation psychique spécifique et une organisation du travail spécifique. Il faut savoir sortir de ses certitudes disciplinaires et faire attention à l’assignation à résidence au sein de champs académiques préalablement constitués, lorsque cela dénature l’objet clinique. Si les théories et les outils servent, tant mieux. S’ils sont inadéquats, il faut en fabriquer d’autres.

Peut-on dire à l’ouvrière qui souffre des 27 bouchons qu’elle visse par minute, que son Œdipe y est pour quelque chose ou que son hyperactivité est structurelle ? Au patient en burn out qui s’effondre à son poste, « Mais pourquoi n’êtes-vous pas parti plus tôt au lieu de supporter cette souffrance ?», alors que démissionner lui ferait perdre ses droits sociaux ? Ou encore, aux femmes qu’elles consentent de manière pulsionnelle à être payées 25 % de moins que les hommes, tout en assurant encore la prise en charge invisible de la deuxième journée ?

Le corps que nous engageons dans la tâche à accomplir n’est sûrement pas celui rêvé par l’organisation du travail : une force motrice, un réservoir d’énergie linéaire, disciplinarisée, sans rythme physiologique et biologique, sans limites, sans aléas, sans émotion, sans affect, sans faille. Ce corps-là est un moyen, juste une force motrice. Le nôtre est une origine. Bien loin des procédures fixées par l’organisation du travail, tous les processus engagés dans le rapport d’intimité avec la tâche, l’objet technique, la matière, avec l’outil, mobilisent en réalité toute la personnalité. Travailler, ce n’est pas seulement produire, c’est se transformer soi-même[3] .

L’intelligence que nous mobilisons dans le travail est très différente de l’intelligence rationnelle, logique. Dans le travail, nous mobilisons l’intelligence du corps. C’est elle qui palpe, évalue, mémorise les informations, les sensations, les perceptions, dans ce qu’on appelle des « mémoires procédurales ». La mémoire procédurale est une forme de mémoire implicite[4] qui porte sur les habiletés motrices, les savoir-faire, les gestes habituels. C'est grâce à elle qu'on peut se souvenir de l’exécution des séquences de gestes. Elle est très fiable et conserve ses souvenirs même s'ils ne sont pas utilisés pendant plusieurs années.

Le futur menuisier en apprentissage travaille le bois. À force de travailler le bois, il découvrira les qualités de la matière bois, mais aussi sa résistance, ses aspérités, ses nœuds, ses fragilités. Il va développer une intimité du rapport à la matière. Il va éprouver la résistance du bois à l’usage de l’outil dont il se sert pour le travailler, la résistance de son corps à l’usage de cet outil. C’est ainsi que par ses gestes indéfiniment répétés, son corps palpera, sentira, mémorisera le bois, les outils, jusqu’à « travailler par corps ».

C’est par l’échec cent fois rencontré et cent fois dépassé que nous développons nos compétences, que nous élargissons le champ de nos pouvoirs.

Ce travailler par corps se construit dans tous les métiers :

- L’ouvrier qui usine une pièce a si bien développé ses mémoires procédurales que c’est à l’oreille qu’il sait avoir atteint le bon micron et qu’il peut s’arrêter.

- L’enseignant qui a du métier, comme on dit, sait à l’oreille que sa classe qui chuchote, s’amuse, commence à faire trop de bruit, qu’on approche du chahut et qu’il faut introduire une activité de diversion pour récupérer leur attention. C’est avec l’intelligence du corps qu’il apprend à le sentir.

- Le chirurgien sait évaluer à l’œil et au doigt la texture du tendon et s’il est fragile, le réparer.

- Quand je vois un patient pour la première fois, je n’ai plus besoin de mon manuel à côté de moi. Je connais la manière de conduire un entretien. Mais en fait, avant même de demander à ce nouveau patient comment il s’appelle et pourquoi il vient, tout mon corps s’est mis au travail. Mes yeux ont enregistré la sueur qui perle sur son front, son thorax en apnée, sa jambe qui s’agite sous le fauteuil. Mon odorat a senti l’odeur de peur qui se dégage de lui. J’entends son souffle court. Bref j’ai travaillé par corps, comme le fraiseur, l’instituteur, le menuisier, le chirurgien.  Et quelque part, au fond de moi, parce que j’ai vu des centaines de patients, au moment où je lui demande son nom, son adresse, bref, son état civil, j’ai déjà fait mon diagnostic.

Les Promesses du Travail

Le travail contient de nombreuses promesses :

- Promesse d’émancipation sociale par l’autonomie financière et le dépassement de la dépendance aux parents.

- Promesse d’accomplissement de soi par le regard des autres sur notre travail : regard des usagers, des patients, des clients qui nous donnent, ou pas, la sensation d’être utile au monde. Regard de la hiérarchie sur le travail accompli, si possible par rapport aux moyens donnés plutôt que par rapport aux objectifs à atteindre.

- Promesse d’arriver à dépasser les souffrances sociales ou psychologiques de l’enfance que le métier que nous choisissons peut nous aider à transformer en œuvre originale.

La promesse du travail se trouve en fait surtout dans l’écart entre le travail tel qu’on nous demande de le faire, dit travail prescrit, et tel que nous l’exécutons, dit travail réel. Dans cet écart se déploient toute notre énergie personnelle, notre créativité, notre intelligence du réel.

Le travail est aussi l’apprentissage du vivre ensemble, condition de la construction de la coopération et de la solidarité. Le monde du travail est l’espace social qui nous oblige à sortir de nous-mêmes, à interagir, partager et nous confronter avec tous les autres.

C’est dire si tracer une frontière entre le travail, le rapport subjectif au travail et le hors travail est complexe. Celui qui s’engage, qui s’implique dans son travail, est obligé de mobiliser des ressources qui impliquent son temps hors travail. Il n’y a pas de neutralité du travail quand il offre cette occasion incroyable de se transformer soi-même, pour sortir de l’expérience du travail, finalement plus intelligent qu’on ne l’était avant. Personne ne regarde le travail déqualifié d’Anne-Marie, femme de ménage en milieu industriel, qui vient plus tôt dans les immeubles anonymes dont elle nettoie les bureaux désertés le soir, pour croiser le visage des gens dont elle vide les corbeilles : « … Ils sont soixante-douze. Les verres, les couverts, les boîtes en plastique, le café, les tasses. Les gens des bureaux que je nettoie, je ne les vois jamais. Des fois, j’arrive plus tôt pour essayer de les voir un peu. Comme ça, je vois mon patron, les filles, on boit un café ensemble. »[5]

Fatima, la femme de ménage qui a développé un tableau douloureux chronique dans les suites d’un accident du travail, qui a depuis écrit deux livres et dont la vie est devenue un film « Fatima »[6], César du meilleur film en 2016, dit de son travail de ménage : « Je travaille en cherchant toujours l’élégance de ce que j’ai fait, même quand je repasse une chemise. Je dois ressentir une harmonie esthétique au fond de moi. Je repasse les chemises, j’enlève la poussière, je dois dépoussiérer le monde entier pour voir de la beauté et de la propreté partout. Cet artisanat que je passe neuf heures à faire, personne ne le voit. Personne ne parle de mon art. Nous, les artisans et les artistes, on s’occupe du quotidien, de la beauté du bureau, du merveilleux, du petit paradis, de l’élégance de la chemise... La société ne s’intéresse pas à ceux qui gardent son petit paradis, dépoussièrent son bureau ou ses boulevards, qui cuisent son pain. »[7].

Elle me dit aussi qu’elle fait un Picasso tous les soirs quand elle nettoie les classes. Et que les enfants le lui défont tous les jours.

Du côté des Nouvelles Organisations du Travail

Les nouvelles façons d’organiser le travail, apparues dans les années 80, ont profondément modifié le rapport de chacun d’entre nous à son travail. Aux principes du management scientifique, avec ses méthodes de surveillance, de contrôle et d’encadrement, se sont substitués de nombreux dispositifs qui, des chaînes de montage aux hôpitaux publics, par divers mécanismes et surtout les NTIC, disciplinarisent les corps et les psychismes engagés dans le travail.

Nous sommes en 2019. Les trois quarts du capital des entreprises cotées dans le monde sont devenus la propriété des fonds d’investissement et des fonds de pension. On ne déduit plus les objectifs de dividendes à répartir du travail accompli. On accomplit le travail nécessaire pour atteindre les dividendes décidés au préalable. Nous sommes passés de l’argent du travail à l’argent de la rente[8]. Une nouvelle gouvernance financiarisée impose ses outils chiffrés transformant le travail réel en données purement comptables. Les corps au travail sont évalués par une grammaire chiffrée qui n’est pas faite pour eux. Et voilà comment le travail humain, avec sa sensorialité, ses muscles, ses efforts cognitifs, son endurance, son honneur, son âme, disparaît au profit d’une grammaire financière : rythme, temps, cadence, flux, tendus si possible, plus de stock, 0 délai, 0 mouvement inutile, 0 surproduction… une entreprise rêvée, virtuelle, sans corps.

Chez nous à l’hôpital, c’est la mise en place de la tarification à l’acte, la mode de la chirurgie ambulatoire, des pôles, puis du Lean management, de la sous-traitance…  Les patients traités par le chirurgien deviennent un nombre d’actes, le temps passé par acte, la performance de l’opérateur par rapport aux autres. Le travail du chercheur devient le nombre d’articles écrits par an. Les managers ne managent plus le travail, mais les objectifs à atteindre. Et l’hôpital tient. Les entreprises tiennent. Les ateliers, les magasins, les bureaux tiennent parce que des femmes et des hommes y travaillent. Ils rusent avec les normes, les procédures, les règlements, les décrets pour que le travail ait encore de l’allure, de l’honneur, une qualité. Pour qu’il soit encore du travail humain, dont ils puissent être fiers.

Pour que rien ne s’oppose à son action, la puissante organisation scientifique du travail sépare les salariés, rivés à leur écran, joignable en permanence, avec des temps de pause alternés seuls au milieu des autres. L’introduction massive de l’évaluation individuelle, sous toutes ses formes (rapport d’activités, suivi d’objectifs, contrôle qualité, 360 °), produit la solitude.

Les formes les plus courantes que prennent les organisations du travail dans les entreprises et établissements aujourd’hui ont des conséquences :

L’organisation scientifique du travail avait déjà fait naître de puissantes contraintes physiologiques de temps et de rythme de travail. Les NTIC vont parachever la capture psychique et physiologique du salarié, l’effacement entre la vie privée et la sphère du travail. Le monde rêvé du travail n’est plus qu’un immense tableau de bord, un reporting instantané à la nanoseconde. Pour la première fois dans l’histoire de l’Homme, les outils qu’il a fabriqués le débordent et kidnappent son fonctionnement cognitif, corporel au-delà de ses possibilités humaines.

Quand l’Accélération du Travail invalide l’éthique : dégâts et conséquences

Celui qui s’en sort dans les organisations actuelles du travail n’est pas le plus fort, ni le plus intelligent, mais le plus rapide.

Partout, les pathologies liées au travail sont devenues criantes et coûteuses. Les pays européens y consacrent dans l’ensemble 3,5% de leur PIB : les pathologies de surcharge (TMS, Burn out, Karoshi, etc.) et les pathologies de la solitude (harcèlements, suicides, etc.) ne peuvent plus être qualifiées de « mode ». Les chiffres existent (enquêtes SUMER, SAMOTRACE, etc.). Et si les médecins, les psychiatres, psychanalystes et psychothérapeutes doivent désormais se préoccuper de la situation professionnelle de leurs patients, c’est que les pathologies présentées semblent issues de violences collectives plus que de névroses personnelles. La souffrance au travail sous toutes ses formes est donc devenue, jusqu’à la nausée, une réalité qui affecte profondément la santé, les règles de fonctionnement et de solidarité de notre société.

Sous l’impulsion des NTIC, l’augmentation de la cadence des tâches à accomplir, leur densification, présente dans tous les secteurs professionnels, pulvérise tous les seuils neurophysiologiques et biomécaniques supportables. Ce productivisme a de multiples conséquences non seulement sur la santé des salariés, des cadres, des chefs d’entreprises, mais aussi sur la qualité du travail. Car travailler vite, sans les effectifs et les moyens, produit un travail abîmé, en mode dégradé dans lequel on ne peut pas se reconnaître.

Nos athlètes de la vitesse sont atteints à plusieurs niveaux :

Premier dégât, une porosité complète entre vie privée vie professionnelle.

On l’a vu, il n’y a déjà pas de frontière possible entre le travail lui-même, le rapport subjectif au travail et le hors travail. Celui qui s’engage, qui s’implique dans son travail, qui est pris par le rythme de travail, est obligé de mobiliser des quantités de ressources qui impliquent son temps hors travail.

Si autrefois, les salariés n’étaient pas maîtres du temps passé dans l’entreprise, ils l’étaient pour le temps « hors travail », le soir, les week-ends, les congés, la retraite. Plus généralement encore, ils pouvaient anticiper le cours de leur vie. Situés clairement dans une grille de qualification, ils savaient à quoi s’attendre en matière d’augmentation de salaire, de promotion. Avec le chômage de masse, mais aussi avec la multiplication des types de contrats de travail atypiques, la généralisation de la sous-traitance et de l’intérim, les remises en question de l’âge de la retraite à travers le nombre requis d’annuités, la situation a profondément changé. Où et quand est-on vraiment hors travail ?

Les cadres, et pas seulement eux, entre téléphone cellulaire, mails, ordinateur portable, ont parfois bien du mal à savoir s’ils travaillent ou ne travaillent pas, y compris dans un avion ou un TGV. Ou dans la sphère privée puisqu’il est de plus en plus fréquent qu’il y ait un coin bureau à la maison. La privation de l’espace devenu liquide, partout et nulle part, sans localisation, sans bureau attribué, entraîne une addiction forcée qui ne vous quitte plus. Les temps dits « morts » sont remplis par des activités pour ne pas perdre de temps : temps de trajet, contretemps, salle d’attente[9].

Deuxième dégât, une évaluation permanente et individualisée des performances

L’évaluation n’a plus seulement lieu au cours de l’entretien annuel. Devenue permanente par le suivi informatisé de l’activité, le suivi individualisé de chaque opérateur, de ses gestes et de ses modes opératoires, elle génère le chacun pour soi. Ce contrôle n’est pas passif, mais suppose la collaboration du travailleur, qui saisit des données sur son activité. L’autocontrôle en est la forme achevée, répandue aussi bien dans l’industrie que dans les services.

Les salariés sont confrontés un par un, individuellement et dans la solitude, aux contraintes de productivité. La surcharge de travail n’étant plus débattue collectivement, cette souffrance appelle des réponses défensives individuelles et non collectives. 

L’hyper connexion est aussi une joignabilité permanente où l’autre peut surgir à chaque instant et nous laisser sans justification possible pour ne pas lui répondre tout de suite. Cette exigence de réactivité instantanée se double d’un contrôle constant, d’une subordination plus massive que celle de la relation de travail, subordination numérique sans limites. Le contrôle du travail n’est plus spatial uniquement, mais aussi temporel[10].

Troisième dégât, un travail en mode dégradé

Quand on demande à des travailleurs de faire plus vite, avec moins de moyens et d’effectifs, ils ne peuvent pas bien travailler. Il faut mentir aux clients, faire des promesses au public tout en sachant très bien qu’on ne pourra pas les tenir, le mensonge est en quelque sorte organisé, avec quelquefois, par peur de perdre son travail, la collaboration de tous[11].

Alors le travail, au lieu d’être une occasion de se découvrir soi-même, est une occasion de se découvrir comme lâche, de faire un travail de mauvaise qualité, qui renvoie une image de soi détériorée. Quand on demande au salarié de travailler mal, sur des instruments, des installations dans lesquels il n’a plus confiance, commence alors un travail de sape de la construction identitaire promise par le beau travail. Loin d’élargir ses capacités, ses règles de métier, on les érode. Si on bâcle son travail, c’est l’usager, l’encadrement, le directeur, l’entreprise ou l’institution qui en pâtissent.

Quatrième dégât, l’envahissement et donc les pathologies de surcharge

L'organisme humain a des cycles, des alternances de veille et de sommeil, des pics de production de certaines hormones. Si on soumet l'organisme à une intensification des tâches sur un temps trop prolongé, il fabrique des toxines, il doit mobiliser beaucoup de cortisol pour tenir, il surfonctionne en permanence. Mais ce corps inoxydable, ou plutôt désiré comme tel, sans maladie, sans émotion, ce « corps machine » que veut l'organisation du travail, n'existe pas. Faire travailler les salariés en éliminant tous les temps morts parce qu’ils ne rapportent rien en termes de productivité, sont très coûteux pour la physiologie humaine.

Faute d'écouter les spécialistes, les ergonomes, les neurophysiologistes, les cliniciens, on a privilégié une approche dite scientifique et chiffrée du travail : cadence, cycle de production, chronométrage en oubliant d’autres chiffres plus médicaux. Les salariés travaillent donc à leur rendement maximum comme des athlètes de la quantité et présentent rapidement des pathologies de surcharge.

L’expression « tenir » fait allusion à tout ce qui est convoqué pour parvenir à travailler de cette manière, c'est-à-dire mobiliser au maximum, toute la journée, sa musculature, sa posture, son taux de cortisol, son système cardio-vasculaire...

Sur le versant cognitif, l’accélération des tâches, l’instantanéité d'exécution, oblige les fonctions cognitives à traiter une masse phénoménale d'informations. Les emails, les appels, les textos, les notifications et toutes les sollicitations et demandes qu’elles charrient ont fait exploser notre charge mentale, au travail comme dans la vie privée. En moyenne, un cadre est interrompu toutes les 6 minutes, 30 % de la journée d’un salarié se passe à gérer des mails.

Puisque, par ces temps d’intelligence artificielle, on se complaît à comparer le cerveau à un ordinateur, rappelons que ces derniers ont une certaine quantité de mémoire et de capacités d'analyses et au-delà, peuvent eux aussi « ramer ». C'est pourquoi on observe d'abord chez les patients des troubles cognitifs, de concentration, de mémoire, de logique... Tous les salariés nous disent rentrer chez eux avec le sentiment de ne pas être à jour, donc de ne pas avoir su finir leur travail : bien travailler, terminer les tâches demandées. Ils reprennent le lendemain avec leurs troubles cognitifs, mais aussi avec un sentiment de culpabilité que nous tentons de subvertir en perception de la faute prescrite puisque l'organisation du travail leur demande des objectifs inatteignables. Faute de temps, de moyens et d'effectifs, le salarié a le sentiment de ne pas bien faire son travail. Les conditions d'accomplissement de soi au travail sont alors compromises. L’épuisement n’est pas que physique, il est aussi éthique.

Mais voici qu’arrivent dans nos consultations, les managers de projets, les directeurs généraux, les directeurs des affaires financières (DAF), les directeurs d’hôpitaux, les médecins...  Tous ces grands professionnels à la personnalité solide, si sûrs de leur métier, de leur implication, corps et âme, si identifiés à leur entreprise, à leur institution, s’essouffleraient donc, eux aussi ?

Eux aussi racontent qu’ils vont travailler à reculons depuis quelque temps, la peur au ventre. Qu’on leur demande de faire de « sales petites choses », qu’ils ont mis en place les systèmes de pilotage, qu’ils contrôlent tout en temps réel, qu’ils contrôlent en fait un travail théorisé, faussement objectif, mais qu’ils voient bien qu’il faut désormais tricher sur les résultats, les bilans pour légitimer ce système devenu fou. Ou bien rajouter plus de normes, de procédures, de contrôle. Qu’ils sont épuisés par la charge de travail et la perte du sens de ce qu’ils font.

« Les individus qui développent des problématiques psychologiques ou psychopathologiques spécifiques aux lieux d'interface entre les mondes culturels, politiques, sociaux ou religieux, sont de réels témoins et des porte-paroles des malaises collectifs contemporains ou en devenir. Ils sont souvent les précurseurs de problématiques culturelles ou sociales émergentes. Par l'expression de symptômes individuels, ils rendent apparent ce qui, du collectif, est actuellement encore enfoui. Dans ce cas de figure, nous nous gardons bien de psychologiser les problématiques contemporaines, c'est-à-dire de réduire à des déterminants singuliers ce qui relève en réalité de l’histoire collective. »[12].

Le burn out peut-il encore être considéré comme un trouble de l’adaptation du travailleur au monde du travail ? Ne devrait-il pas être regardé comme l’inadaptation des organisations du travail au fonctionnement du corps humain ? Dans les années 60, lorsque le concept de burn out apparaît, c’est l’engagement qui consume, l’altruisme, la relation d’aide exercée en excès. Début 2000, le burn out semble davantage lié à l’intense besoin de réussite sociale, à la compétition entre les salariés, à la pression sociale. En 2019, le burn out n’atteint pas le fragile ou le paresseux, mais le consciencieux.

Nos « athlètes/esclaves de la quantité » font des syndromes d’épuisement professionnel s’actualisant sous des formes diverses dont la terminologie du burn out ne rend pas compte suffisamment finement, au risque de devenir comme le harcèlement moral, un nouveau concept poubelle : on peut ne pas arriver à mettre le pied à terre un matin, ou bien faire un AVC, ou trouver la fenêtre derrière le bureau du N+1 bien tentante, ou exploser en sanglots dans une réunion.

Des études américaines menées par des cardiologues ont précisément repéré trois critères annonçant un accident cardio-vasculaire sur les personnes ayant survécu :

- un travail de plus de 70 heures par semaine,

- le sentiment d'impasse, c'est-à-dire le sentiment qu'on ne peut se sortir de cette situation,

- et le changement de tâche une vingtaine de minutes avant l'accident.

Ce n'est pas tant une fragilité génétique ou des erreurs d’hygiène de vie que les cardiologues japonais et américains ont mis à jour, que des critères organisationnels[13].

Nos patients se voient proposer un fonctionnement compulsif, en quête d’un sens que l’ordre social ne donne plus. Les cadres sociaux, les règles, les consensus sont balayés, c’est l’idéal d’une vie sans pause, sans sommeil, d’une insomnie généralisée qui permettrait de produire plus (Aubert, 2018).

La conséquence de l’accélération de nos vies n’est pas que psychologique ou somatique, mais aussi éthique. À quoi servent les valeurs de long terme (fidélité, engagement, loyauté) dans un monde liquide qui ne permet plus d’éprouver un sentiment de continuité de soi[14] ? Où l’on ira de CDD en CDD, d’une entreprise à une autre ? Les qualités désormais exigées au travail sont angoissantes individuellement et produisent collectivement des déficits sociaux de loyauté et de confiance[15] (Aubert, 2018). Il faut tout effleurer sans s’attarder, avec le sentiment de faire du travail médiocre. Les échanges priment sur les activités réflexives. Au travail comme en amour, les relations se veulent intenses et révocables à tout moment[16].

Dans ce monde-là, tous les interdits sont des freins, toutes les régulations des obstacles, toutes les lois des encadrements insupportables. La frontière entre permis et défendu s’estompe, à la source de la crise du symbolique que nous traversons[17].

L’accélération de soi produit du trop-plein et du trop-vide, débouchant sur de nouvelles formes de décompensation : la pensée, la capacité à ressentir sont sur pause, des phases de violences comportementales assurent la décharge de ce qui n’a plus le temps de s’élaborer. Le vécu du temps est l’objet de coups d’accordéon puissants[18].

Les hommes ont un besoin primordial d’ancrage spatial, temporel, sensoriel. La perte de ces contenants pousse aux recherches de contenants artificiels, factices, prothétiques. A-t-on toujours un dedans et un dehors dans ces sociétés liquides ? Sans cesse sollicité par une intrusion diffuse et permanente des objets extérieurs, comment construire l’intime ? La capacité d’individualisation est-elle encore possible physiquement et psychiquement avec les mécanismes intrusifs et accélérés que nous subissons ? Nous voilà dotés d’un moi devenu détaché, indifférent, désaffilié, moi liquide ou moi durci par l’idéologie de tous ordres. Des automatismes ont remplacé des cadres sociaux provoquant une immense souffrance symbolique, affective, spirituelle et intellectuelle[19].

Le corps peut démissionner si le déséquilibre entre temps biologique et temps numérique est trop grand.

Au-delà des incidents sur le corps, il y a des incidents sur le comportement des salariés. L’état d'urgence permanent, la multiplication des tâches, des interruptions aussi, mettent les salariés le dos au mur, les rendent agressifs, irritables, y compris dans la sphère privée. Il s'agit d'ailleurs d'un motif de consultation. Les femmes en particulier viennent consulter quand elles ne supportent plus leurs enfants ou commencent à les maltraiter. Elles sont épuisées et ne supportent plus d'être réveillées la nuit quand les enfants font parfois des cauchemars.

La violence s’infiltre partout :

- violence entre le salarié et l'usager (l'infirmière vis-à-vis de son patient, le vendeur vis-à-vis de son client, mais aussi les usagers qui ne font part d'aucune reconnaissance et peuvent se montrer violents) ;

- violence des salariés entre eux, car ils manquent de temps et de moyens pour régler les problèmes (faire payer à quelqu'un son congé maladie à son retour parce qu'il a occasionné encore plus de travail par exemple). Cela déclenche une agressivité profonde dans le collectif de travail qui peut se répercuter contre l'outil de travail ;

- violence de la radicalisation des comportements managériaux maltraitants qui se répercutent en chaîne jusqu'aux subordonnés.

Mais travailler à une telle vitesse a comme premier effet (voulu) d'empêcher de penser.

Cinquième dégât, l’aliénation du fonctionnement mental 

L’Organisation Scientifique du Travail n’autorise aucune évasion mentale, le travailleur est victime de paralysie de sa pensée même en dehors de son lieu de travail, ce qui contribue en effet à renforcer l’assujettissement du corps. Quand vous travaillez ainsi, vous ne pouvez plus faire un pas de côté pour réfléchir à votre travail. Et si on ne pense plus, il n'est plus possible d'organiser de collectif de riposte et d'imaginer une meilleure manière de travailler.

Les mécanismes de défense déployés contre cette accélération de soi sont malheureusement propices à la productivité. L’agressivité et la frustration réactionnelle sont réprimées par peur et culpabilité et retournées contre soi dans l’effort que le sujet fait pour se discipliner. La tension nerveuse est rapatriée dans l’accélération du rythme.

Exemple clinique

Hyperactivité organisationnelle ou réactionnelle ? C’est encore une fois la clinique qui fournit des réponses, dans la richesse de sa variabilité.

Monsieur H. a tenu à venir de l’autre bout de la France. 3 heures de TGV volées sur un emploi du temps asphyxié. J’ai eu beau lui rappeler que sa région était riche en ergonomes et cliniciens du travail, que je n’étais pas la mieux placée pour l’aider, qu’il m’octroyait des compétences que je n’avais pas, il voulait venir me voir. Ce PDG prend le café que je lui offre, et m’explique l’épuisement de ses salariés : épidémie de TMS, arrêt-maladie en cascade, recrudescence des AT [accidents de travail], ambiance morose, conflits…Tous les voyants sont au rouge. Il est pourtant volontaire, attentif …et accompagné de sa DRH :

- « Mes gars sont tellement fatigués ».

Je lui demande de parler de son travail, comme aux autres, de me décrire son activité :

On fabrique des pièces d’hélicoptère. Mes salariés sont très pointus C’était une bonne équipe soudée. Mais vous savez ce que c’est, avec la crise, il faut travailler comme des fous !

Non, justement, je ne sais pas. Que s’est-il passé dans votre organisation du travail récemment ?

On a mis en place du Lean manufacturing il y a 4 ans pour gagner en performance. On est passé en juste à temps, les gars se déplacent moins, on a viré tous les gestes inutiles, puis les temps de pause, car il fallait répondre à des commandes pour ne pas se faire doubler. Mais, je leur ai refait la salle de repos tout en beige, en virant les photos, les posters.  Tout beau, tout propre ! Les ateliers, c’est pareil, plus rien de personnel qui puisse déconcentrer. Des pics flow au mur pour qu’ils sachent où ils en sont !

Il a donc, comme tant d’autres chefs d’entreprise, acheté du Lean clé en main. Le Lean est une organisation du travail issu de l’industrie automobile japonaise dans les années cinquante, qui vise à éliminer les activités que l’on pense sans valeur ajoutée afin d’améliorer la performance de l’entreprise. Sur le papier, le modèle est tentant. Il s’est donc répandu partout, y compris dans les métiers de service, de la santé ou l’administration.

Au fond, il me raconte que sa nouvelle organisation du travail a cloué les salariés à leur poste, les obligeant à travailler toute la journée en utilisant de manière répétitive les mêmes segments du corps, dans des mouvements répétitifs, dans les mêmes plans de l’espace. Tous connectés à des capteurs qui ne visent qu’à l’amélioration de la productivité. La chasse au gaspillage profite au client, mais pas à la santé des salariés. Les déplacements supprimés font perdre les temps de déambulation, temps de récupération physique, cognitive, psychologique. Temps de communication pour les équipes, de délibérations sur les erreurs et les impasses de l’organisation. Le travail s‘en trouve densifié et les opérateurs en ayant apporté leur zèle à cette apparente rationalisation du travail, découvrent qu’ils ont aggravé leurs conditions de travail, et en produisant plus, quelquefois même ils produisent le licenciement de certains d’entre eux.

Mais le Lean qu’il a mis en place a aussi profondément porté atteinte aux échanges entre ses gars, comme il dit. Les pauses se font en alternance, plus personne ne se rencontre. Puis, les pauses ont disparu sous la pression temporelle. Ils travaillent tous en apnée, sans temps mort. Chaque équipe doit se centrer sur ses reporting. Les indicateurs deviennent la priorité plutôt que le travail et rajoutent une charge mentale. La reconnaissance des compétences entre pairs, le vivre ensemble ont disparu. Plus le temps de parler des matchs de rugby, des enfants, la célébration du vivre ensemble est du temps perdu ! Il me raconte qu’il a houspillé la femme de ménage de la société de nettoyage (externalisée bien sûr) qui était arrivée avec des crêpes faites maison et qui lui proposait d’en goûter une, car elle compromettait l’impression d’ordre et de rangement au carré de la salle de repos, exigé par le Lean.

Assis devant moi depuis plus d’une heure déjà, il récupère un espace et un temps pour penser son travail, car lui seul peut le faire. Moi, son métier, je ne le connais pas. Mais mon métier, c’est de donner un cadre d’écoute qui autorise la circulation des pensées. Lui, son métier, c’est de trouver les solutions propres à son entreprise :

« J’ai compris, je suis responsable de ce qui se passe ! Il faut remettre de l’air dans le travail et de la reconnaissance. Je dois remettre des pauses café collectives pour que les gars discutent entre eux. Et puis, je vais faire une journée « portes ouvertes » pour les familles et le public, on utilisera le programme informatique en 3 D qu’a construit un salarié qui donne la position de la pièce que nous fabriquons par rapport aux autres !  Projeté sur un mur, ce sera magnifique ! Je vais les laisser personnaliser la salle de repos, tout ce beige, c’est triste... Tiens, d’ailleurs, je vais embaucher la femme de ménage, elle a l’air de savoir comment mettre du lien ».

Je ne doute pas que le trajet de retour sera mis à profit pour peaufiner des stratégies de reconnaissance du travail. Ces deux-là ne manquent pas d’idées pour leurs salariés pour peu que le travail à flux tendu leur laisse le temps de penser, de lutter contre l’effacement de la subjectivité.

Conclusion

Pendant ce temps-là, la carte mondiale, quantitative, numérique, financiarisée dresse un tableau du monde qui n’est plus qu’un tableau de bord, un reporting instantané à la nanoseconde, totalement désincarné. Bientôt peut-être un algorithme géant viendra dire la Vérité… Pas la vérité sur la vulnérabilité du corps humain, grand oublié de l’organisation du travail.

Les méthodes gestionnaires prétendent qu'on peut même à terme se passer de ces corps de travailleurs. Automates, machines, exosquelettes, process, intelligence artificielle, systèmes experts... Si la vitalité de l’Homme au travail se trouve aujourd’hui sollicitée au moyen d’artifices pharmacologiques et idéologiques, ses principes reposent sur la négation du corps.

Dans les deux camps, des salariés comme des dirigeants, règne une méconnaissance du corps au travail, corps organique comme corps identitaire.

Devenir un salarié averti du fonctionnement de son corps, de la centralité du travail, de ses droits et de ses devoirs, des acteurs prévus dans l’entreprise pour protéger la santé physique et mentale, est indispensable.

La loi oblige le chef d'entreprise à préserver la sécurité et la santé physique et mentale de ses salariés en termes de résultats. Si on ne fait pas de prévention primaire, on se dirigera vers une judiciarisation de ces questions et une recrudescence des condamnations.

Mais le plus préoccupant demeure l’évolution du contenu du travail lui-même. Le travail aliénant est un travail dans lequel nous ne pouvons plus engager notre intelligence, dont nous revenons appauvris intellectuellement, corporellement, affectivement, parce que ce travail interdit ou réprime tout engagement de soi.

Comme le martèle Christophe Dejours, lorsque les organisations du travail se retournent contre la culture, contre la perspective d’honorer la vie ensemble sous la forme de la civilisation, résultat du travail des femmes et des hommes, il est temps de réagir. Si le travail devient un produit, produit à consommer, il devient aussi un produit jetable.

Devant la puissance du « big data », des tableaux de bord, des algorithmes, le hasard peut tirer sa révérence. Il faut donc croire à la force des pulsions de vie, aux trajectoires baroques du réprimé, du refoulé.

Notes

1) « Plus on gagne du temps, moins on en a... Le rapport au temps dans la société paradoxante », Vincent de Gaulejac, in @la recherche du temps de Nicole Aubert, Éditions Èrès, 2018, p.47

2) Global Burnout de Pascal Chabot, Éditions PUF, 2013

3) Observations cliniques en psychopathologie du travail de Christophe Dejours, Éditions PUF - 2010

4)https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9moire_implicite

5) Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés de Marie Pezé, Éditions Flammarion, 2010

6) Fatima film de Pierre Faucon, Pyramide Distribution, 2015

7) Prière à la lune de Fatima Elayoubi, aux Éditions Bachari, 2006

8) Le travail invisible de Pierre-Yves Gomez, aux Éditions François Bourin, 2014

9) @la recherche du temps de Nicole Aubert, Éditions Èrès, 2018

10) Id.

11) Mentir au travail de Duarte Rolo, 2015, Éditions PUF, 2015

12) Psychopathologie des violences collectives de Françoise Sironi, Éditions Odile Jacob, 2007

13) « Unexpected natural death among Korean workers » de Jungsun Park, Young-Sook Cho, Kwan-Hyung, Kyung-yong Rhee, Yangho Kim, Young-hahn Moon, Journal of Occupational Health, n°41 page 238-243, 2019

14) La culture du nouveau capitalisme de Richard Sennett, Éditions Albin Michel, 2006

15) Aubert, Op. cit.

16) L’esprit « Cool  de Dick Poutain et David Robins, Éditions Autrement, 2001

17) Aubert, Op. cit.

18) Aubert, Op. cit.

19) Le futurisme de l’instant de Paul Virilio, aux Éditions Galilée - 2009.