Les enjeux de l'électricité :
Exposé de Jean Sombre
Le livre Energie et Equité d'Ivan Illich, présent dans la bibliothèque de l'Amassada, est un livre visionnaire (en 1973, il présente le modèle énergivore comme constituant une spirale infernale et aliénante tant sur le plan social que sur le plan environnemental).
Sortie prochaine de La Condition électrique, nouvel ouvrage d’Alain Gras, auteur du Choix du feu.
Parmi les luttes écologistes autour de l’énergie dans le monde (nucléaire, méga-barrages, charbon, gaz de schiste…), aucune ne va jusqu’à questionner la finalité électrique. L'affiche de l’Amassada est un des rares exemples de production militante qui soulève le problème.
Il est difficile pour les plus jeunes de questionner la « condition électrique », car l'électricité est désormais omniprésente dans tous les usages de la vie. Et pourtant l'électricité est l'acteur principal de la démesure capitaliste.
On assiste à une augmentation exponentielle de la production électrique. La production d'électricité à partir d’énergies fossiles (charbon principalement) est passée mondialement de 10 000 TWh en 2000 à bientôt 20 000 TWh (à comparer à une production électrique française totale de l’ordre de 550 TWh).
Or les acteurs du commerce électrique ne sont jamais ciblés par les environnementalistes. Dans les toutes récentes luttes anti-charbon en Pologne et Allemagne, où 200 personnes viennent d’être sévèrement réprimées, il n’y a pas eu de remise en question du rôle de l’électricité. Et pourtant 80 % du charbon produit mondialement (en augmentation de 75% depuis l’année 2000) sert à produire de l'électricité.
Les émissions de GES de la seule société China Energy, l’un des grands producteurs d’électricité chinois, sont supérieures à celles totales (transport compris) de pays comme le Japon ou l’Allemagne; la construction d’un barrage en Éthiopie va perturber la vie de dizaines de millions d’Egyptiens ; les compagnies du gaz de schiste aux USA soudoient les propriétaires pour en extraire chez eux, or ce ‘nouveau’ gaz sert essentiellement à produire de l'électricité.
RTE a établi 50 connexions THT vers l’étranger. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la France est le premier exportateur mondial d’électricité (près d’un cinquième de la production française d’électricité en 2018 – chiffre brut).
Dans le monde, grosso modo, un tiers de la consommation électrique est à usage industriel, un tiers est le fait des services et un tiers des résidents. L'éclairage résidentiel n'en représente que moins de 1 %.
Le gros de la consommation électrique est un usage de confort. Un programme mondial d’économie pourrait viser les objectifs sectoriels de réduction suivants :
- Division par 3 de l’usage industriel (recours au gaz, air comprimé et surtout à des procédés mécaniques, choix de matériaux non énergivores, etc. )
- Division par 2 de l’usage des services (exemple : des techniques existantes permettraient de diviser par un facteur 10 la consommation des data centers moyennant une faible réduction de performances).
- Réduction de 1/3 de l’usage domestique (normalisation des usages chauffage, climatisation, etc.).
Mondialement, la part du nucléaire dans la production électrique est passée de 17 % à 10 %, traduisant son échec.
Sur l’éolien, la facture en France est de 3 milliards d’euros, dont 1,5 milliard payé par les consommateurs via la contribution au service public de l’électricité. En comparaison, le coût total du dispositif ‘chèque énergie’ pour les foyers à faibles revenus est de 30 millions d’euros.
En résumé : transition énergétique = piège à cons !
Commentaires et réactions des participants :
- Luca : Nous sommes allés présenter notre lutte à Ende Gelände (blocage d'une mine de lignite en Allemagne), où l'accueil a été très mitigé, car il y a beaucoup de fans d’éoliennes parmi les anti-charbon.
- Isabelle : Attention à l’argument souvent avancé « Le nucléaire va s’éteindre de lui-même », car on banalise la catastrophe.
La lutte antinucléaire est indépendante de la question de la catastrophe. Attention en particulier à ne pas séparer nucléaire civil et nucléaire militaire !
L'éolien industriel se construit sur le modèle du nucléaire. - Pascal : L’augmentation de la production des autres énergies pourrait faire baisser la part du nucléaire...
- Amassada : Ici on parle « d’accumulation énergétique ».
- Anne-Marie : On nous embrouille avec les chiffres, il faut distinguer les quantités des pourcentages. L’objectif de 50 % d'électricité d'origine nucléaire pourrait être atteint en augmentant la production conventionnelle.
- Gunther Anders (oui oui, il était présent) : Le capitalisme exploite tout !